lundi 7 juillet 2014

Les sanctions

Les sanctions
par Jean Epstein, Psychosociologue

Des sanctions nécessaires  :


En excluant, bien sûr, les "corrections" physiques dont étaient encore récemment victimes de nombreux enfants dans notre pays, ces sanctions, en soi, sont indispensables au bon développement social de chacun de nos loupiots, à la fois pour qu'il apprenne à respecter les autres, mais aussi qu'il sent lui-même, contenu dans un cadre sécurisant. Et les enfants le savent très bien !
Pour s'en persuader, il suffit de voir avec quelle énergie ils provoquent les adultes pour parvenir à imprimer dans leur esprit, au fil des mois et des années, un code pénal substantiel. Au gré des bêtises, allant souvent crescendo et regroupées le même jour afin d'être plus lisibles, ils vont autorédiger un code en deux pages ;
  • Si leur comportement n'est pas sanctionné, la bêtise s'inscrit sur la page gauche, dans la liste des bêtises à refaire (puisque pas chères !) ;
  • Inversement, au cas où la sanction s'avère claire, elle prendra place sur la page de droite, au sein de la rubrique des "inter-dits". Il est très intéressant de s'amuser à couper ce mot en deux, car ainsi, il prend tout son sens ; "dit entre..." ce qui signifie que les interdits constituent un langage et qu'un enfant-roi, n'en rencontrant aucun, est un enfant profondément seul !
Mais pour un loupiot, cet exercice n'est pas forcement facile à faire, en période où de plus en plus de parents craignent d'être considérés comme "méchants". ("est-ce que mon enfant va m'aimer si je lui dis "non" ?). Quelle absurdité !
Dans l'intérêt même de l'enfant, non seulement ces sanctions sont nécessaires, mais afin d'être efficaces, elles doivent correspondre à un certain nombre de critère qui unanimement, concernent tous les gamins.

Neuf critères

Pour moi, ces critère sont au nombres de neuf. A savoir, les sanctions doivent être :

1 - Immédiates : Les loupiots, par définition, vivent dans l'instant présent ("tout, tout de suite !") De ce fait, comment pourrait-ils appréhender une quelconque sanction différée au soir ou au lendemain alors que la bêtise a été faite le matin ?

2 - Formulées par la personne qui a été dérangée par le comportement de cet enfant. Nous touchons là à un élément clef qui caractérise chaque sanction : pour pouvoir imposer ce cadre indispensable, l'adulte doit savoir dire "non !" à ce qui le dérange, lui.
Imaginons une seconde des parents qui, se culpabilisant de trop travailler, de ne pas être assez disponible pour leur enfant, le laisserait durant tout le week-end faire un maximum de bêtises sans oser intervenir et qui, le lundi matin, en l'amenant à la crèche, chargerait l'auxiliaire de puériculture de le disputer pour son comportement de la veille, avec eux !

3 - Cohérentes : Dans la suite logique de ce qui vient d'être dit, il va de soi que chacun (chaque parent, chaque professionnel) a ses propres limites de tolérance. Ainsi, à travers cette variabilité, loin d'être une source d'incohérence, l'enfant va acquérir ce que l'on appelle "la faculté d'adaptabilité" - c'est-à-dire comprendre qu'on ne se comporte pas de la même façon avec n'importe qui, dans n'importe quelle circonstance. Mais paradoxalement, le plein exercice de cette variabilité suppose, quand même, que des règles de base soient établies en commun entre les adultes qui entourent un même enfant. Entre les parents, bien sûr, mais tout autant entre les professionnels d'une même équipe et entre parents et professionnels. 

4 - Fermes et pas discutables : Les enfants, quel que soit leur âge, sont de bien meilleurs négociateurs que nous... alors surtout pas de négociation, nous serions assurés de perdre : La sanction doit être ferme et la rester, sans appel.

5 - Expliquées : Il va de soi que, pour permettre à l'enfant de faire le lien de cause à effet entre ce qui nous a dérangés dans son comportement et la sanction qui a suivi, une explication est nécessaire. Par contre, celle-ci doit être courte, précise et surtout ne pas durer une heure, ce qui ne ferait que diluer le message.

6 - Proportionnées et justes : Il m'arrive de croiser des gamins qui, pour une petites choses, reçoivent des punitions énormes alors que, le lendemain, pour de grosses bêtises, la sanction s'avère minime. Comment comprendre, pour eux, la logique de cette disproportion !
Par contre, la sanction doit être juste : ce qui signifie qu'il faut veiller obsessionnellement à ne pas se tromper de coupable si plusieurs enfants jouent ensemble. En effet, on rencontre souvent des loupiots "roublards" qui, visiblement, sont à l'initiative de nombreuses bêtises, mais qui montrent un talent fou pour faire accuser les autres à leur place. Qu'y a-t-il de pire, dans l'esprit d'un gamin, que d'être victime d'une injustice et, pire encore, de n'être pas cru lorsqu'il proclame avec véhémence que ce n'est pas lui le fautif ?

7 - Surtout pas humiliantes : N'oublions pas que le mot "Autorité" vient de la racine "AUCTOR" qui signifie : prendre de la hauteur, élever. Faire autorité n'a jamais voulu dire "abaisser". Injustice et humiliation : deux sources de rébellion permanente qui souvent peuvent conduire l'enfant à multiplier les provocations.

8 - Crédibles, réalisables : Par définition, pour les enfants, l'acquisition de l'humour prend de nombreuses années (... et certains peuvent arriver à l'âge adulte en ne l'ayant pas encore faite). Avoir de l'humour suppose de pouvoir comprendre au second degré ce qui est dit. Or les tout-petits sont loin d'en être encore là ! Que penser alors d'éventuelles sanctions délirantes qui, prises par le loupiot, au premier degré, peuvent s'avérer monstrueuses et terrorisantes ?
"Si tu continues, je te fiche par la fenêtre !"
Sur l'autoroute, en s'adressant aux gamins qui chahutent à l'arrière de la voiture : "Si vous n'arrêtez pas, je vous laisse à la station service !"
La liste est à compléter soi-même mais, attention, elle est très longue !

9 - Adaptées à chaque enfant : Il va de soi que ces neuf critères sont "généralistes" et ne visent pas à décliner une quelconque liste de sanctions idéales qui ne seraient que pure imposture étant donnée l'immense différence de réceptivité d'un enfant à l'autre

Une chose est certaine : le "théoricien" que je suis souhaite bon courage aux parents et aux professionnels qui se trouvent confrontés à un enfant qui, bien qu'ayant encore plus que les autres besoin de limites, donne l'impression que, sur lui, tout glisse : "même pas mal !".
Dans ce cas, on a tout intérêt, si l'on est parents, à le prêter à des amis pour le week-end ou, si l'on travaille en équipe, à le confier à un collègue... et que le meilleur gagne !








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